12-10-2023
« C'est pour savoir où je vais que je marche. »
Johann Wolfgang von GOETHE
de Chasseradès (48) au « Puy en Velay... » (43) et retour empruntant La Régordane, GR700.
Étapes non planifiées, réalisées au jour le jour :
Chasseradès ➔ St Flour de Mercoire ➔ Landos ➔ Le Monastier sur Gazeille ➔ Le Bouchet St Nicolas (via Coubon) ➔ Langogne ➔ Chasseradès
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Cette année je me suis préparé sérieusement… en découvrant quelques randonnées autour de chez moi que je n’avais encore jamais faites (boucle par le canyon, boucle inverse par le canyon avec variante du petit canyon, boucle Cros d’Arène, boucle du grand tour des Pierres de Soleil) soit à peu près 6-7 h de randonnées sans sac mais avec course possible, c’est-à-dire au total bien moins d’effort qu’en une seule journée de Stevenson : je ne sais donc quoi penser de mon sérieux. Bref !
Voici l’itinéraire réalisé. Les chiffres de cette première image vaudront bien un long discours ! J’étais en forme, même si j’ai été embêté par quelques bricoles dues en partie à l’âge et en partie au matériel…
L’âge (65) :
Le matériel :
mes bonnes et confortables sandales de l’an passé ont dû trouver des remplaçantes et, vous savez ce que c’est, plus on paie moins on a et si on paie peu on ne peut pas exiger beaucoup... J’ai même fait une ampoule ce qui ne m’était pas arrivé depuis ???… Bref, elles étaient moins confortables.Pour ces 6 jours : 238 € dont
Nombre de pas : un peu plus de 300 000...
Ce fut une joie de marcher ! Et de rencontrer ! C’est ça le chemin, qu’importe qu’il soit de St Gilles ou de Compostelle ou encore de Stevenson, etc., mais c’est vrai que sur ce dernier il y a moins de souci d’hébergement fin septembre… C’est une chose que je prévois pas, que je ne planifie pas, c’est selon : tout dépend de mes capacités et des possibilités, et aussi de mes bêtises du jour. Voyons cela en suivant mes nuits sur le chemin.
Je m’y prends tard pour chercher un gîte dans la liste réduite de l’offre complète que j’ai compilée à partir de la brochure 2023. Je trouve des gîtes hors-ma-liste sur le chemin du côté de Fouzilhac mais ils sont complets, je décide donc de dormir à la belle étoile ! Je choisis une pécière pour son côté sec mais je vais devoir batailler avec les branches basses si je ne veux pas trouver un coin juste à côté du découvert. Puis un vent humide refroidit l’ambiance ; et me souvenant de l’abondance de rosée du matin je me dis qu’un toit serait quand même mieux. Je contacte « La Cantine de Modestine » à l’HERM où on m’accorde pour un tarif dérisoire (accès aux sanitaires) un banc sous une avancée. La nuit va commencer à gagner du terrain alors que je traîne encore mes sandales à près d’une heure de mon îlot.
J’aime la brune, cette heure où tout s’endort, où tout bruit s’évanouit. Je n’ai pas l’idée, et je ne l’aurai jamais durant le voyage, de regarder ce que mes jambes ont déjà absorbé pour cette première journée, je le découvrirai bien le dernier jour (en fait je ferai le bilan vendredi soir). Ne cherchant plus les balises et désespérant passer mon temps à suivre le GPS afin de garder ma vision nocturne, je me dis que tous les chemins mènent à Rome. Je rate une bifurcation et file quelque part vers la N88 où circulent encore quelques voitures et d’énormes poids lourds qui décoiffent. Je les rejoins. L’humidité fraîche me faisant paraître tout de noir vêtu en cette heure austère, je me manifeste avec ma lampe de poche en éblouissant ceux qui viennent derrière moi ou les camionneurs que je croise et qui jouent de leur puissance quasi solaire dès qu’ils le peuvent. Rejoignant la route de Saint Flour de Mercoire, je pense à me poser pour faire le point en continuant à balader mon lumignon. La première voiture tourne depuis la nationale vers mon chemin vicinal environ deux minutes après moi. "Petit" SUV blanc clinquant. Je me pousse sans pour autant tendre le pouce et la voiture stoppe à mon niveau. Cet aimable papa (il a son garçon de 6-7 ans à sa droite) me propose à m’avancer, ici ils apprécient ses gens du chemin qui apporte quelques rencontres. Il me déposera à l’Herm. Merci à cet inconnu.
Ainsi j’atterris à 20h50 bien sonné dans une vielle caravane, à l’odeur de vieil évier presque sec, elle est enfoncée dans un sol à l’herbe drue mais offre un matelas 2 places et un radiateur. J’oublie vite l’odeur une fois douché et les dents clean (tiens, je n’ai pas mangé grand-chose sinon quelques fruits secs tout au long du parcours…).
Le lendemain, 7h30, petit déjeuner avec 2 tartines un bol de thé, un verre de jus d’orange, une tranche copieuse de quatre-quart. Grand merci, chaleureux au-revoir à mon "hôtelier" de « La Cantine de Modestine » et je quitte les lieux à 8h l’esprit encore embrumé (je pars à l'aveugle... du mauvais côté !!!).
Belle journée tranquille et un peu urbaine puisque je traverse Langogne et Pradelles en plein cœur. Je croise plein d’originaux allant dans le bon sens qui eux ne croisent peut-être que moi car peu de gens remontent le chemin… sans doute parce que non seulement monter c’est déjà bien mais remonter ça fait beaucoup !. Je pense à François de Kresz et son célèbre poster des moutons.
À trois encablures de Landos le second coup de fil m’offre un studio avec cuisine ; c’est vrai, quoi, soyons fou, après cette balade de santé, il faut bien se requinquer et d’ailleurs j’ai envie d’un extra. Je m’achèterai deux poires à la supérette et une boisson fraîche.
C’est Byzance « l’Escale d’Anicia » ; très chaleureux merci à Myriam qui m’a accueilli avec un goûter (sirop de verveine et un fourré quelque-chose). Nuit extra. Petit déjeuner de roi (une portion de baguette, beurre confiture, jus de fruit, boisson chaude) ! Je mets la poire économisée dans mon sac, je chausse les sandales et, go, direction générale Le Monastier sur Gazeille.
Version courte :
Nuit au « gîte Stevenson », accueil très sympa de la part d’Emmanuel qui me propose un codormeur, Malcom, écossais. Repas fort léger aussi de la part de mes 2 colocs (Malcom et appelons-là Claire car elle est brune et que nous ne nous sommes pas présentés) avec qui je mange ma poire. Une table dans le jardin et un super coucher de soleil. Au petit déjeuner je rencontrerai un père et son fils avec sa copine (appelons-les Wladimir, Jean-Sébastien et Ursule car ils semblent endormis autour de la table de la cuisine). Un tronçon de baguette, beurre, confitures, du cake, thé au lait et jus de fruits. Et hop direction Le Puy-en-Velay vers 8h15. Adieu chers amis; il y a eu un soir, et puis ce matin.
Version longue mais non édulcorée :
Après le petit raidillon de Goudet qui enjambe la Loire, je fais une halte à Saint Martin de Fugères pour chercher un hébergement, admirer un nouveau paysage et aussi pour reposer le dos, ce qui fait beaucoup en même temps… Bref, le premier appel est le bon : Émilie a un lit pour moi, "derrière l’église" c’est noté. Je repars fringant et fougueux comme un jeune homme profitant d’un soleil lourd, et surtout chaud, de fin septembre. Le Monastier sur Gazeille est en vue, village large et grimpant. Après les raidillons avalés j’avais espéré dans ma petite tête qu’étant "sur Gazeille" la petite cité serait confinée autour d’un pont. Eh bien non, ça ressemble plus à "Le Monastier au-dessus de la Gazeille". Bon sang que ça grimpe ! Soleil de plomb se reposant sur dos du marcheur.
Problème, je vois deux églises, une vers le nord, l’autre vers le sud. J’appelle Émilie :
Je reprends ma liste faite maison où j’avais concentré les adresses des lieux utiles et abordables. Sous le titre Le Monastier sur Gazeille il y a bien le gîte d’une Émilie avec le numéro de téléphone et je ne me suis pas trompé !!! Pas trompé aujourd’hui, mais en faisant mes copier/coller très probablement...
Je rappelle Émilie et lui demande de m’excuser pour mon erreur car je ne vais pas faire 20 km ce soir. Je ne suis pas le seul qui ce soit trompé… À l’Herm deux cheminots avec qui j’avais partagé le petit déjeuner m’avaient raconté qu’ils avaient réservé à Ussel sur le Stevenson, mais pas à partir de la plaquette… Ils ont compris leur erreur en programmant leur gps… 200 km d’étape ! Le gps ne réfléchit pas, c’est juste de la dite intelligence artificielle qui n'a pas de pensée et reste soumise aux erreurs humaines.
Bref. J’enfile la rue principale de la cité. J’appelle le premier gîte devant lequel je passe. Fermé ! Je vois le bar à vin de Stevenson. J’entre. Il ne fait pas plus de logement que je bois de vin mais je demande à tout hasard s’il connaît quelqu’un. Il me propose d’appeler une amie, on ne sait jamais. Réponse négative. Je le suis tandis qu’il téléphone ; à peine il a raccroché une idée lui vient sans doute brûtalement, « File dans ta chambre ! » aboie-t-il presque. Je me retourne croyant avoir un chien au fesse… « Oh je ne disais pas ça pour vous, c’est un gîte. » Je réponds « ah oui, j’ai vu ce nom dans la liste. « Trop cher » ai-je répondu. « Essayez le gîte Stevenson ».
J’ai essayé. Un monsieur me dit que oui, il a une place en dortoir mais qu’il n’est pas là pour m’accueillir, il y sera d’ici peu. Il me donne l’adresse. Je marche. Un cycliste passe sur l’avenue : « c’est vous qui m’avez appelé ? ». Voilà, je faisais la connaissance d’Emmanuel, hôtelier du « gîte Stevenson ». En arrivant il me propose de dormir en dortoir avec un nouvel arrivant. On échange les prénoms, lui c’est Malcom, avec un fort accent anglais, euh non, britannique, il est écossais, en fait de famille anglo écossaise, mais écossais avant d’être british (and not english). Sympathique, on fraternisera autour de nos lits séparés par un rideau.
Dans l’espace d’accueil, une dame est là plongée dans la plaquette du GR70 "Voyage en Cévennes" (elles pourtant loin derrière moi les Cévennes). Elle va loger dans la chambre au-dessus de la nôtre.
On s’est retrouvé à 3 pour partageant chacun son timide repas (moi, ma seconde poire achetée la veille), mais personne ne parle "bouffe".
Claire, appelons-là Claire car elle est brune et que nous ne nous sommes pas présentés, est une habituée des GR, elle vient de l’Hérault, nous annonce que trois autres personnes doivent arriver.
On se retrouvera tous au petit déjeuner (tronçon de baguette, beurre, confitures, du cake, thé au lait et jus de fruits pour moi). Nous faisons connaissance et partageons en mâchouillant nos ambitions du jour. Malcom randonne beaucoup en France à pied comme à vélo parce qu’il y préfère la météo pour ce genre d’activité à celle de chez lui ; Claire, partie du Puy après être revenue, pour raison X, de Langogne en bus depuis le GR700 (la Régordane, Le puy – Nîmes) va filer sur Le Bouchet Saint Nicolas ; j’annonce que je viens de Chasseradès, je vais frôler le Puy avant de rentrer sans doute par la Régordane pour filer plus droit ; Wladimir, Jean-Sébastien et Ursule (appelons-les ainsi parce que j’ai besoin de prénoms, un père et son fils avec sa copine), qui se font tout petits à côté des 3 cavaleurs que nous sommes, doivent aussi aboutir pour leur premier jour au Bouchet St Nicolas.
8h15, je démarre en boitant… cheville droite oblige !
À Coubon, avant le Puy, j’ai bifurqué un peu à l’aveugle vers l’ouest pour rejoindre la Régordane. Puis j’ai trouvé la voie verte (ancienne voie ferrée, déferrée, lissée et dédiée du Puy à Costaros aux piétons et cyclistes, avec pente très régulières – trains obligeaient – et tunnels plus ou moins longs, génialement éclairés le jour). Passant à côtés des cascades de la Beaume, je m’offre une détour, et ça le vaut ! Bref ! J’arrive un peu avant Costaros en me disant qu'il est temps de penser à un lieu pour dormir, j’ai l’impression que le chemin a été assez long et que je devrais arriver à un peu plus de 30 km pour cette belle balade.
Seulement voilà, Costaros ne répond pas, je répète : Costaros ne répond pas ! Je suis obligé de retenter ma chance plus loin car je ne veux pas revenir sur mes pas (Le Brignon). Et en avant il y a Landos (1h35 et qui m’avancerait vers Chasseradès) ou Le Bouchet Saint Nicolas (1h24). 10 minutes de plus ou de moins là est la question. Va pour le Bouchet, non pas pour gagner 10 minutes, mais pour voir Émilie de chez qui je me suis désisté, je lui dois bien ça. Et puis si elle n’a rien… Landos (où il y aura peut-être quelque chose). Le crépuscule va bientôt enflammer le ciel nu d'une lueur diffuse qui s'affaiblira.
Émilie a une place pour moi. Je lui annonce être chez elle d’ici 1h30 à 2h. Il est 18h10. Sur le chemin, coucher de soleil cuivré et lisse qui se termine en brune irrésistible avec son horizon nickel tout orange et l’église, la fameuse, dont le clocher se découpe comme une érection du paysage. Dans mon dos la pleine lune (en fait le 29 à midi, en Bélier) se lance à l’assaut du ciel.
À la mairie, des gens papotent. Ils m’indiquent le chemin de chez Émilie, pas besoin de dire laquelle. Un premier résident me dira que non, il ne sait pas si la patronne s’appelle Émilie mais qu’elle est dans la cuisine. Un monsieur massif dans l’entrée me fait penser à quelqu’un… Il s’écarte sans rien dire au pauvre vagabond qui arrive avec la nuit.
J'entre
« Ehhhh ! Mais qu’est-ce que tu fais-là ? Explique-nous ? T’es passé par où ?... » Les questions déboulent sur moi comme une avalanche tiède et réconfortante. Je vois Claire puis Ursule à côté de Jean-Sébastien. Une quatrième personne semble aussi m’apostropher que je n'ai jamais croisé. Je calme l’auditoire inattendu ; je le savais pourtant mais ces gens croisés de passage malgré leur sympathie du matin ou de la veille n’était plus dans ma caboche fatiguée perchée au-dessus de ses sandales. Surprise ! Évidemment. Heureuse et chaleureuse.
« Je monte me poser un peu et je vous raconterai tout. » Je fais enfin la connaissance d’Émilie ! Elle s’essuie les main pour me montrer mon lit. Je me confonds en excuses sincères pour la veille et aussi d’arriver si tard ce soir. Elle me dit avoir encore un peu de temps avant le conseil municipal (il y a des gens qui ne s’arrêtent jamais !). Je pose mon sac, elle me dit de monter. Me voilà tout léger et j’embraye 2 par 2.
« Vous semblez encore en forme malgré l’heure. » me dit-elle. Par devers moi je pense que j’irai volontiers marcher encore sous la lune, sans sac. Au lieu de cela je m’installe sans bruit auprès d’un qui dort déjà sur ma droite. Wladimir (bin oui, c'était lui dans la porte d'entrée) est en train de lire. Je me douche et descends pour raconter. Plus personne ! Je me fais une tisane. J’oublie de manger (rien depuis le petit déjeuner, j’adore, je me sens tellement libre sans ce "souci"). Un monsieur m’indique où sont les boutons de lumière. À 9 h plus personne, juste un peu d’activité silencieuse audible dans les chambres. J'en oublie la lune... Je rejoins ma couche.
Petit déjeuner à 7h30 mais je ne dors plus depuis 6h. Arrivé dernier hier soir je me venge de moi-même en arrivant premier en bas, vite rattrapé par un audio-prothésiste de Lyon (Louis, pour le jeu de mots) tout récemment parti en retraite et qui descend jusqu’à Alès par le Stevenson (car sur ce tronçon GR70 et 700 vont ensemble). Débarquent ensuite Claire et compagnie (qui ont fait voyage à part) et qui me pressent de questions, les mêmes que la veille. Je suis incapable de dire mon kilométrage comme si ce "détail" n’avait pour moi aucune valeur. J’étais heureux et en forme, cela me suffisait, mais c’était assez long.
On me demande si je vais au lac du Bouchet, « oh non, je l’ai vu il y a 50 ans peut-être et j’ai du chemin à faire, j’ai assez marché hier. » Nous on y va (ensuite ils jusqu'à tous à Pradelles). « C’est très beau parait-il. » Je répondis que oui, songeur.
Je vais finir de préparer mes affaires. Mon voisins de droite s’éveille ; il devait être affreusement épuisé, je compatis et me fais le plus discret possible en réfléchissant. Bon, ok, je vais y aller… En fait j’y avais pensé à l’aller, et puis il y a quoi ? 2Km ?… 4, aller-retour ?… pas de quoi en faire un drame. Ça me dérouillera.
Et sac au dos me voilà parti pour le lac avec pour compagnie celle du soleil qui m’a rejoint sur la route, me prenant la vistoire sur la ligne d'arrivée au lac. Il dessinait l’ombre en coupe du cratère, frôlant la rive opposée du lac. J’ai passé un quart d’heure heureux, merci les amis du Stevenson.
Je remonte la pente de la gueule du volcan et croise Claire en compagnie de Louis… ils sont sans sacs !!! Quel imbécile je fais !!! pour un aller-retour de 4 km j’ai porté mon sac… au moins j’avais de l’eau, ma veste de pluie, mon sac de couchage (– 10°C) et ma couverture de survie en cas de pépin, bon ok, mais d’habitude je suis plutôt prompt à prendre le risque s’il se présente. M’enfin, c’est comme ça. Un peu plus loin je croiserai Ursule, Jean-Sébastien et Cie tout le monde avec qui j’avais partagé la nuit (ou presque).
Personne n’avait de sac, sauf moi qui en plus avait eu l’instant magique du lever de soleil. Merci ma vie, même si tu me charges parfois ! La Retirade, je m’en souviendrai maintenant, et d’Émilie aussi (référence à une chanson mais là, si j’ai dormi dans son lit, elle n’était pas là...) et pas non plus d’histoire à la Joe Dassin avec les yeux d’Émilie.
Avant de raconter ce soir-là, je dois préciser une chose. Je sors de Gardelles. J’entends des pas derrière moi. Comme à mon habitude, je ne jette pas d’œil, j’attends. Le marcheur se rapproche, passe à mon niveau. On se tourne en chœur l’un vers l’autre pour se saluer et là surprises : « Malcom » « Patrick ». Le chemin est parfois petit même on le suit de façon fantaisiste.
Je passe pas non plus outre la rencontre avec une jeune bernoise (CH où, entre autres connaissances plus ou moins locales, ma fille vit près de Zurich avec son mari iranien et leurs enfants). Mais je ne sais pas encore qu’elle est bernoise. J’entends les pas, rapides mais non de course, un pas pressé, poussé par une nécessité, un désir ardent de satiété, de propreté ou de repos. Avant de saluer, ou en guise de salutation, je lui dis : « oh, vous sentez l’écurie ». Elle me répond « Pardon, je sens ?... ». Son accent la trahit, je me confonds donc en excuses « Oh, désolé, vous n’êtes pas française !... » « Non, je suis de Bern, en Suisse » « Bonjour » « Bonjour ». Et de lui expliquer le sens de ma formule, non elle ne sent (odeur) pas le cheval, elle sent (sensation) l’écurie, le lieu du repos. Elle me répond dans un français accentué au Schwizerdütsch (avec un son U) qu’elle a compris et elle embraye la conversation qu’on va garder jusqu’à la première légère pente montante où, cheville oblige, je lui abandonne la priorité par convenance... C’est drôle de voyager ainsi avec une personne extraordinaire sur quelques centaines de mètres.
J’arrive cahin-caha à la « Modest’Inn ». (Le nom de Modestine revient souvent : c’est le nom de l’ânesse qui portait la charge de Robert Louis Stevenson — connu pour L’île au trésor — appelons-le par son nom…). À la Modest’Inn je trouve une hôtesse fatiguée mais sympathique qui me fait faire le tour du propriétaire avant de m’abandonner à mon lit. Repas du soir : 2 petites poires gourmandes.
Le lendemain 7h30, je me retrouve entre cinq femmes piétonnes et deux hommes cyclistes. Chacun dit ce qu’il a fait, et ce qu’il va faire (curieusement nous n’échangeons jamais sur ce qu’on fait…). Quand je parle de la ligne droite, toujours plein sud qui relie Langogne à Chasseradès, l’hôtelière présente me dit qu’elle a voulu parcourir le GR700 (la Régordane) mais quelle s’est retrouvée du mauvais côté d'un grillage… le chemin n’étant pas de son côté ! Une grande propriété de chasse avale ici 1000 ha… Il en faut plus pour m’effrayer, et de toute façon il y a pléthore de sentiers dans le coin.
Oui mais une fois sur place je découvrirai qu’ils sont souvent barrés de barbelés et non ouvrables. Et lors d’une tentative de passer outre (et où je fus surpris en infraction par trois motards cherchant le fameux chemin de l’autre côté de la barrière…) la prairie douce sous mes pieds ne manque pas de solliciter par trop ma cheville gauche.
Je capitule ! Je fais demi-tour, ne cherche plus de passage : je rentre quoi qu’il m’en coûte, je vais faire du stop !
Je finis le C2 pour arriver à Cheylard l’Êvèque où j’embraye sur la D71. Je vais y faire près de 6 km, en côte, midi solaire à peine passé. Il y a eu 25 minutes sans aucun véhicule, et les rares qui sont passés je les revoyais 10 minutes plus tard : des chercheurs de champignons.
Je n’étais donc pas loin du 6e kilomètre tendant d’un bras mou retenant à grand peine un pouce désabusé. Je me retourne pour faire bonne figure. Casquette orange près du pare-brise. Mon bras s’affale. Le pick-up me dépasse, puis freine à 100 m, fait marche arrière. « On vous emmène, vous allez où ? » « Euh… Chasseradès » « Nous on passe à Chazeau, en bas » « Bon ce sera toujours ça, merci ». Le passager sort pour me faire une place à l'arrière, côté gauche. Je le suis. Le plateau du pick-up est vide en dehors de quelques cageots : ce ne sont pas des chasseurs !
En fait j’ai eu l’aubaine de trouver des chercheurs de champignons venus d’Uzès, ravi de leur balade peu fructueuse en forêt « des coins magnifiques » « une forêt paisibles ». Ils me déposeront vers 16h15 aux abords de Chasseradès : merci les gars, je vous souhaite plein de champignons la prochaine fois.
Terminus.
Voici les étapes réalisées. Vous y verrez beaucoup de lignes droites car je désactive le suivi afin d'économiser la batterie... gardant celle de secours pour ... le secours (nuit forcée en bivouac par exemple). Ces liens vous permettent de situer certaines photos prises avec le GPS, pourvu que vous cliquiez sur Agrandir dans la carte après les photos.
(Ne pas tenir compte des données de la course... un peu fantaisistes du fait des interruptions de réseau !)
Pour l'aventure en images, quelques impressions en vrac !